L’intention de ces Points de repères est de traiter, succinctement et sommairement, quelques questions essentielles de la foi chrétienne qui, aujourd’hui, sont soit contestées soit – dans la plupart des cas – en train de sombrer dans l’oubli. Les chapitres sont indépendants les uns des autres, et l’ordre n’a aucune espèce d’importance. Ils témoignent, tous ensemble, d’une vision de fond, ne formant que quelques rayons qui émanent d’un même centre. On n’a pas traité un certain nombre de thèmes qui échauffent les esprits, non pas pour éviter lâchement la bagarre en se cachant derrière des positions anodines, mais c’est soit que la question nécessiterait une étude détaillée, soit qu’elle ne peut être décidée que par une décision d’en haut, soit enfin qu’on en ait fait artificiellement un problème « brûlant », peut-être de manière à éviter personnellement le véritable centre brûlant. Il en est souvent ainsi : ce qui me brûle, moi, le chrétien tiède, ne brûle pas le chrétien ardent, et ce qui tue à demi ce dernier, ne m’atteint pas.

Si ces quelques rayons proviennent réellement du véritable soleil, alors on pourra peut-être remonter au centre de ce feu à partir duquel nos questions apparaîtront comme authentiquement brûlantes et auront souvent quasiment trouvé leur réponse. Quant à ces nombreuses questions qui me paraissaient plates et évidentes, il se pourrait qu’elles prennent tout à coup l’allure d’un point d’interrogation.

On a présenté bien des choses sous une forme concentrée. Le lecteur qui trouverait que des thèmes comme « Trinité et Avenir » ou « Le christianisme comme utopie » sont un peu poussés, n’a qu’à les laisser de côté. Mais il y a aussi des choses qui se clarifient dès lors qu’on les condense. Je vous prierai donc de ne pas sauter de passages, mais d’essayer de les méditer pour essayer de décomposer ce que j’y ai présenté. On trouvera aussi de nombreux recoupements d’un chapitre à l’autre. Qu’on soit patient, car dans le christianisme n’y a-t-il pas bien des choses qui n’entrent qu’à force de répétition ?

Les grands problèmes qui font la une et que l’on veut hisser de force au rang de « questions desquelles dépend la survie ou la destruction de l’Église » et sur lesquels on allume tous les projecteurs, appartiennent, presque sans exceptions, à ces problèmes que l’on voudrait résoudre en démontant l’édifice, en retirant toute radicalité, en adoptant la voie la plus facile, celle qui devrait manifester de la compassion avec la détresse des hommes. Et pourtant, à long terme, c’est la voie étroite qui attire les meilleurs. Il est bien connu, par exemple, que les monastères dont la stricte observance est restée aujourd’hui inchangée ont des vocations, alors que ceux qui préfèrent la ligne douce semblent être méprisés par Dieu et par les hommes. Ce n’est qu’un symptôme. Celui qui exige beaucoup (mais il doit aussi montrer beaucoup ; et ne peut exiger que pour Dieu et pour son œuvre) a encore une chance d’être entendu. Par définition, la « mode » change d’année en année. Le véritable christianisme, heureusement, n’a jamais été une mode, même à l’époque dite chrétienne. Les quelques choses que l’on dira ici sont sans prétention. Il est étonnant de voir, dans beaucoup de livres contemporains, combien d’intelligence est gaspillée pour des entreprises stériles. On se console alors en se remémorant ces mots de Hofmannsthal : « la stupidité la plus dangereuse, c’est celle des fins esprits ». Et l’on accepte de bon cœur de passer pour un simplet un peu gâteux.

Extrait de l’introduction, tr. mod.

Première édition en 1971 chez Herder.